Randy Kerber & Jowee Omicil

Co-éditions (avec Komos Jazz)

 

📀 Komos Jazz

🎤🎷🎹  Asterios

Sans doute devaient-ils se rencontrer. Sûrement, d’ailleurs. Mais la planète jazz est parfois si vaste qu’il est difficile de s’y croiser à toute heure. Alors, il faut prendre son temps et les notes bleues font le reste. Celles du label Komos, par exemple…

 

Randy Kerber est né en 1958 à Encino en Californie et a tâté très tôt les touches de piano et les claviers – à 19 ans il embarquait pour la tournée de Bette Midler. Puis celles de Lionel Hampton et Don Ellis, figures majeures du jazz, musique qu’il a donc côtoyée très vite.

Il a ensuite notamment accompagné Quincy Jones, Barbara Streisand, B.B. King, Michael Jackson, Leonard Cohen, Whitney Houston, Annie Lennox ou Frank Sinatra.

Mais c’est au cinéma que Randy Kerber s’est fait un nom et les doigts en participant à plus de huit cents (800 !) long-métrages. Il a joué le solo de Forrest Gump, de Titanic, de La La Land, et a notamment orchestré Solo : A Star Wars Story, The Dark Knight, La légende de Zorro ou La Couleur pourpre.

En tout, quarante ans au service des autres jusqu’à The Eddy, la série sur le jazz de Damien Chazelle, dont il dirige la musique et dans laquelle il joue Randy, le pianiste. Logique. Il vit à Paris.

 

Jowee Omicil, lui, est né en 1977 à Montréal de parents haïtiens. Sa mère est décédée lorsqu’il avait cinq ans. Son père, pasteur, le pousse vers une école de musique à 15 ans. Il aborde le piano mais choisit vite les hanches – saxos soprano et alto, clarinette…Il joue avec Branford Marsalis, Richard Bona, Marcus Miller, Wyclef Jean…

En tout, cinq albums en leader (4) ou à son nom (1), jusqu’à The Eddy, la série sur le jazz de Damien Chazelle, dans laquelle il joue Jowee, le saxo. Logique. Il vit à Paris.

 

La rencontre s’est faite à ce moment-là. Une rencontre ? Une fusion, plus exactement.  « Ce fut immédiat, se souvient Jowee. Je n’ai jamais vécu ça auparavant. C’est très difficile à expliquer. » Randy renchérit : « Avec d’autres musiciens, c’est plus policé, plus superficiel. Avec Jowee, il y a une écoute, une entente, une compréhension mutuelle. »

 

Antoine Rajon, du label Komos, propose à Jowee un album en duo avec un pianiste. Jowee saute sur l’occasion : « Il y a deux pianistes avec lequel j’avais envie de jouer, Keith Jarret et Randy Kerber. » Randy accepte immédiatement : « Je travaille depuis tellement longtemps pour les autres qu’il était temps que je joue pour moi. Les collaborations se sont tellement vite enchainées pendant toutes ces années, que je n’ai jamais eu vraiment le temps de me poser. C’est différent maintenant j’habite Paris. »

 

Les deux hommes se retrouvent au Studio Pigalle début juillet. Ils ont à peine ébauché quelques notes sur trois des treize morceaux morceaux qui composent l’album Y Pati. Le reste n’est qu’improvisation, moments fugaces, envie de jouer, longs dialogues, balades à deux, jeu de jazz, clin d’œil à Miles, fantaisie de blues, hommage au père de Jowee, ou caresse pour la fille de Randy.

 

Randy s’est installé au piano mais plus souvent aux claviers, Chamberlin, Osmose, Continum. Jowee, lui, s’est attelé au saxo – tenor, alto, soprano – à la clarinette, au cornet, à la flûte piccolo et… au chant, parfois.

Les morceaux ont été enregistrés tels qu’ils ont été improvisés, imaginés, sans reprises ni retakes. Chaque morceau a une histoire qui s’est jouée dans l’instant de la création dont il se sont souvenus pour cette rencontre en septembre à quelques portées de la sortie de l’album.

 

The Long way Home par exemple, est une reprise d’un titre imaginé pour The Eddy. C’est le premier titre de l’album. « Randy le jouait au piano pour la série, je m’en suis souvenu et on est parti de ce souvenir. »

Pour Grenadier, c’est Randy qui a entamé les hostilités au chamberlin et Jowee a rebondi.  « Quand on commence, on ne sait jamais trop où on va, pointe Jowee. Mais « Grenadier à l’assaut » est une expression que me disait mon père. Une façon de se battre pour la liberté. Cette démarche a inspire le titre.

Lumière au bout du tunnel s’est construit à la manière d’une scène de film. « Finalement l’album s’est imaginé comme un jazz cinématographique, explique Randy. De la musique de film sans film. L’envie c’est qu’il y ait à chaque fois, une incarnation, une évocation, des images. Dans ce morceau, c’est une progression qui mène de l’ombre à la lumière. »

J.C.O. est un hommage au père de Jowee, Joseph, C. Omicil. « Randy a déchiffré des notes que j’avais gribouillées et a prolongé le morceau. Ce que joue Randy est magnifique. C’est la première fois que je dédie un morceau à mon père. Jusqu’alors je n’étais pas à son niveau. Ce morceau-là, il aurait approuvé. Merci Randy. »

 

Puis les deux hommes sont repartis masqués, bavards, souriants, comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.